L’ÉQUATION DU TEMPS et L'ANALEMME
Michel Llibre - Club d'astronomie de Quint-Fontsegrives
octobre 2025
On appelle équation du temps l'écart entre l'heure solaire moyenne et l'heure solaire vraie.
L'heure solaire moyenne (proche de l'heure civile) est associée à un Soleil moyen fictif qui parcours l'équateur à vitesse constante. Cette heure solaire moyenne est associée à la longitude précise de l'utilisateur alors que l'heure civile est associée à tout un fuseau horaire.
L'heure solaire vraie (souvent appelée heure solaire tout court) est associée au Soleil vrai qui parcours l'écliptique avec une vitesse variable (en relation avec la loi des aires énoncée en 1609 par Kepler). Elle est associée à la même longitude que l'heure solaire moyenne.
L'idée d'un soleil moyen est déjà évoquée par Ptolémée, mais le fait que le midi au Soleil avance et retarde au cours de l'année n'est décelée qu'avec les horloges à pendule par Huygens au milieu de 17e siècle.
Jean Picard et Jean-Dominique Cassini calculent et publient les premières tables de l'équation du temps vers 1672-1676. Elles sont régulièrement publiées par l'Académie royale des sciences de Paris à partir de 1682-1685, ce qui va permettre dès cette époque l'utilisation de l'heure solaire moyenne pour renseigner les observations astronomiques. Cette heure solaire moyenne est locale et varie avec la longitude du lieu. Ce n'est qu'après la deuxième moitié du 19ème siècle que furent introduits les fuseaux horaires avec utilisation d'une heure civile par fuseau.
Le Soleil vrai parcourt une ellipse dans le plan de l'écliptique qui fait un angle :
avec le plan de l'équateur, angle qui est appelé l'obliquité. Au foyer de l'ellipse se trouve le barycentre Terre - Lune que nous supposerons être confondu avec le centre de la Terre. De la deuxième loi de Kepler on déduit que la longitude écliptique du Soleil vrai est donnée par :
où e = 0.0167 est la valeur de l'excentricité de l'ellipse.
Cette approximation montre que cet écart ne s'annule que sur la ligne des apsides (ligne qui joint périgée et apogée) et que son amplitude maximale est de l'ordre de 0.957°.
Pour pouvoir calculer la longitude écliptique LV en fonction de la date J exprimée en jour décimal, on peut utiliser les constantes suivantes :
Remarquons que les jours n'intervenant que par des différences, l'origine du décompte peut être quelconque.
Le Soleil moyen écliptique est le premier avatar du Soleil moyen. Par définition ce premier avatar parcourt l'écliptique à vitesse constante et occupe la même position que le Soleil vrai à l'instant de son passage au périgée (et à l'apogée également). Il en résulte que sa longitude écliptique LM est donnée par :
Il résulte de cette définition que :
Remarquons que par définition les longitudes sont nulles au passage à l'équinoxe de printemps. Il en résulte que :
et que:
Le Soleil moyen équatorial est le second avatar du Soleil moyen. Celui-ci parcourt l'équateur à vitesse angulaire constante. Comme l'ascension droite est nulle au passage à l'équinoxe de printemps, cet avatar occupe la même position que le Soleil moyen écliptique lors de ce passage. Son ascension droite (exprimée en degrés) est donc donnée par :
où Atrop = 365.24219 jours est la durée de l'année tropique qui sépare deux passages successifs par l'équinoxe de printemps.
Elle est donnée par :
On peut également utiliser l'approximation au deuxième ordre suivante :
en faisant attention qu'elle fournit obligatoirement une valeur en radians qu'il faudra convertir dans l'unité utilisateur (degrés ou heures). Elle a l'avantage de montrer la structure sinusoïdale en double longitude (qui s'annule 4 fois par tour) et de montrer la valeur maximale est faible (de l'ordre de 2.4°).
soit :
ou encore en degrés :
avec :
L'angle horaire Ah d'une direction est l'angle dièdre entre le méridien local (qui passe par le zénith du lieu) et le méridien qui contient cette direction, compté positif dans le sens horaire (les méridiens sont les plans qui contiennent l'axe des pôles et qui sont perpendiculaires à l'équateur, et qu'il ne faut pas confondre avec les verticaux qui sont les plans qui contiennent l'axe zénithal et qui sont perpendiculaires au plan horizontal).
on a :
Ainsi :
quelle que soit la direction considérée.
Ainsi en notant AhV et AhM les angles horaires des Soleils vrai et moyen équatorial, on peut écrire :
Il résulte de l'égalité précédente que
Cette différence est nommée l'équation du temps et est notée E :
En remplaçant les ascensions droites par les expressions précédemment calculées on obtient :
ou encore :
où le terme :
est généralement négligé, car c’est une dérive due à la précession de la ligne des apsides, nulle à l'initialisation de sa position et qui croit de 4.1 secondes de temps par an.
Remarquons la définition de E est globale, indépendante du lieu
On définit l'heure solaire moyenne hM (comme l'heure solaire vraie) par la formule :
Comme l'angle horaire c'est une heure locale qui varie avec la longitude du lieu.
Il résulte de ces définitions que :
soit :
que l'on devrait expliciter en :
L'heure solaire moyenne de Greenwich est à notre niveau d'approximation l'heure dite TU+0 ou GMT+0 ou UTC+0. GMT c'est l'ancienne dénomination (Greenwich mean Time), UTC (Universal Time Coordinated) c'est la nouvelle et TU (temps universel) c'est la version française. Elle sera simplement notée hTU :
Le temps civil, même dans sa version approchée que nous considérons ici est ce temps auquel on ajoute un certains nombres Tz d'heures (avec éventuellement des 1/2) et qui est noté TU + Tz ou GMT + Tz ou UTC + Tz.
Ainsi 12h TU c'est 12h TU+0. En France, bien qu'on soit dans le même fuseau horaire que Greenwich ce sera 13h (TU+1 en hiver et 14 (TU+2) en été et même à Brest dont la longitude vaut -4.5°.
Pour un lieu donné, on considère sa Timezone qui est grossièrement égale à l'arrondi de la longitude horaire de son méridien :
En fait les découpages politiques éloignent de cette approximation. Ainsi en France, bien qu'on soit dans le même fuseau horaire que Greenwich (Tz = 0), on utilise Tz = 1 hiver avec une variante Tz = 2 en été.
Comme :
d'où l'équation du temps en heures civiles :
On utilisera une valeur récente des paramètres évoluant lentement, par exemple la longitude écliptique du périgée du Soleil en 2025 vaut :
Les calculs sont organisés comme suit (avec des résultats en degrés) :
On part de la donnée de la date approchée des équinoxes Jequinox et de la date J du jour considéré codées dans le même système (et même méridien pour plus de précision).
On calcule la longitude moyenne LM par :
On calcule l'anomalie moyenne M à la date J par :
On calcule la longitude écliptique LV du Soleil vrai par :
On calcule la réduction à l'équateur par :
On en déduit l'équation du temps (en degrés) :
que l'on convertira en heures ou minutes de temps par :
Remarque : En 2000 la date des équinoxes était située 78.81625 jours après J2000 (le 1/1/2000 à 12h TU soit JJ2000 = 2451545). En jour julien JJequinoxe2000 = 2451623.81625. A partir de cette date, on peut considérer que les équinoxes suivantes ont lieu tous les 365.24237 jours.
C'est la partie de l'équation du temps qui est due à l'ellipticité de l'orbite Terrestre.
Quand la Terre est au périhélie (en hiver), le Soleil vrai va plus vite que le Soleil moyen, et inversement quand la Terre est à l'aphélie (été) le Soleil vrai va moins vite que le Soleil moyen.
Ainsi, en hiver quand, du fait de la rotation diurne de la Terre, le Soleil moyen repasse au méridien après 24h de temps civil, le Soleil vrai qui va plus vite sera légèrement plus à l'Est du méridien. La Terre devra tourner encore un peu pour que le Soleil vrai passe par le méridien. Il en résulte que les 24h solaire vrai se produiront plus tard que les 24h du temps civil. Le temps solaire vrai prend du retard et réciproquement le temps civil de l'avance.
C'est l'inverse qui se passe en été.
Remarquons ce comportement paradoxal, c'est le temps associé au Soleil qui va le plus vite qui prend du retard et celui associé au Soleil qui va le plus lentement qui prend de l'avance. En effet celui qui va plus vite produit un jour plus long, qui dure plus longtemps que l'autre, avec une horloge qui va prendre du retard et celui qui va plus lentement produit un jour plus court, qui dure moins longtemps que l'autre, avec une horloge qui va prendre de l'avance.
Rappelons le résultat :
•au périhélie le temps moyen prend de l'avance sur le temps solaire vrai
•à l'aphélie le temps moyen prend du retard sur le temps solaire vrai.
C'est la partie de l'équation du temps qui est due à l'obliquité de l'écliptique.
Aux équinoxes Soleil moyen et Soleil vrai ont même ascension droite. Autour des équinoxes, la projection du Soleil vrai sur l'équateur va moins vite que le Soleil moyen. En effet, ils parcourent, chacun sur leur grand cercle, la même distance dans le même temps, mais la projection sur l'équateur de la distance parcourue par le Soleil vrai sur l'écliptique est plus courte et ainsi l'ascension droite du Soleil vrai va se trouver en retard sur celle du Soleil moyen. Le midi solaire vrai se produira avant le midi local civil car la Terre devra tourner un peu plus pour que le Soleil moyen passe au méridien alors que le Soleil vrai y est déjà passé. A partir des équinoxes le temps solaire vrai se met à prendre de l'avance sur le temps moyen, et autrement dit le temps solaire moyen se met à prendre du retard sur le temps solaire vrai.
Mais au solstice suivant, ils ont de nouveau la même ascension droite, alors qu'ils ont parcouru tous deux exactement un quart de grand cercle. L'ascension droite du Soleil vrai a donc rattrapé son retard sur celle du Soleil moyen. Il a donc accéléré et sa projection sur l'équateur va plus vite que le Soleil moyen. Le temps solaire vrai va donc à retarder, autrement dit le temps moyen va se mettre à avancer.
Rappelons le résultat :
•aux équinoxes le temps moyen prend du retard sur le Soleil vrai
•aux solstices le temps moyen prend de l'avance sur le Soleil vrai.
Tous ces calculs ne permettent pas une appréhension aisée de l'écart entre les angles horaires du Soleil moyen et du Soleil vrai. Si cet écart n'existait pas, à midi, ces deux Soleils passeraient exactement sur le méridien local du lieu d'observation, à une position plus ou moins haute selon la saison. Du fait de cet écart, la position à midi du Soleil vrai, au lieu d'être située sur le méridien local, décrit une trajectoire en huit qui est appelée analemme. Ces analemmes figurent sur certains cadrans solaires.
Ce décalage est admirablement illustré sur un montage photographique de Serge Bertorello qui mentionne la position du Soleil chaque mois à midi.
En partant du solstice d'hiver, en bas, comme les jours solaires vrais sont nettement plus longs que les jours moyens, l'image à midi du Soleil vrai subit un déplacement important vers l'est lors de sa remontée vers la position au 1er février, puis il y a un déplacement vers l'ouest, toujours en montant lors de l''équinoxe de printemps. Puis en haut, vers solstice d'été le Soleil repart vers l'est mais cette bouche du haut est nettement moins large que la boucle du bas car ce déplacement est contrarié par l'équation au centre. Après le point haut du solstice d'été, le Soleil redescend et repart vers l'ouest à l'équinoxe automne, puis continue de descendre vers le solstice d'hiver où il repart vers l'est.
1pseudo-angle proportionnel à l'aire balayée entre la date Jpérigée de passage au périgée et la date actuelle J